Le village perdu
L'indifférence a fermé ses persiennes sur la présence silencieuse des fantômes oubliés... Une haleine de cendres froides monte des cheminées abandonnées, envahit les maisons d'un parfum d'outre-tombe quand, le soir venu, j'arpente les rues de ce village perdu, sanctuaire maudit où, sous la lune blafarde, processionnent des ombres inquiétantes...
Vent glacial, morsure cruelle,
Frôlement de silence
D'invisibles présences
Guettant au détour des ruelles...
Murs lézardés, gercés d'ennui,
Noirceurs menaçantes
Des portes grimaçantes
D'où la vie à jamais s'est enfuie...
Envie de fuir... Pourtant je reste là, irrésistiblement attiré par ces fenêtres closes comme des yeux morts et qui pourtant me regardent... M'attendent... M'appellent... Le grincement sinistre d'une porte sous les assauts du vent déchire le silence, énigmatique lamento d'une âme errante en quête d'un improbable repos...
Escaliers amputés par le temps,
Devantures béantes
Gorges géantes
Comme un appel vers le néant...
Peintures phagocytées de lèpre
Suintantes de moisissures
Dessinant sur les murs
Des spectres à l'autel des vêpres...
Pavés usés qui avalent mes pas et me portent... Petite place déserte, bancs aux bras vides dévorés par un lierre tentaculaire devant lesquels un chat noir, abandonné, les yeux pleins d'une infinie solitude, dévore les restes d'un corbeau mort... J'ai encore cette nuit en filigrane sous mes paupières l'empreinte des yeux de ce chat, seul être vivant de ce village où la mort avait pris ses quartiers...