La porte des ombres
La nuit avait une parfum de voyelles en deuil et les bras morts des branches dénudées tendaient au ciel lourd les plaintes muettes de leurs désespoirs. Je l'avais aperçue par hasard mais l'empreinte noire qu'elle avait laissée dans mes yeux ne cessait de me hanter, de m'appeler... Elle était là maintenant devant mes yeux apeurés, insinuant dans mon cou un souffle glacé...
Fenêtre brisée
Par les assauts des vents en partance
Fenêtre ouverte
Pour les épousailles d'âmes en errance...
Fenêtre blessée
Par le long lamento des désespérances
Fenêtre offerte
Pour devenir l'accueil des souffrances...
Griffes démesurées montant des entrailles de la terre, de longs serpents noirs la tenaient prisonnière, vampirisaient ses charmes passés, laissant sur son visage les cicatrices sombres de leurs baisers venimeux. Aux fenêtres éborgnées, des ombres dansaient et posaient sur moi les regards vides de leurs orbites caverneux...
Ombres inquiétantes
Comme les projections de mes tourments
Ombres démesurées
Comme des linceuls aux bras accueillants...
Ombres palpitantes
Comme d'un cœur les ultimes battements
Ombres désabusées
Comme des messagères du renoncement...
Longues heures de contemplation oppressante où, pétrifié d'angoisses souveraines, les yeux rivés à cette porte mangée de lèpre noire, j'écoute les antiennes obsédantes d'un requiem inachevé... Longue nuit de froidure dont les morsures déchirent mes yeux désertés de larmes sur lesquels les premiers rayons d'un soleil blafard révèlent les ecchymoses d'un voyage interdit...