Ite missa est
C'est par cette formule qu'autrefois le prêtre annonçait aux fidèles avachis qui roupillaient sur leurs chaises que la messe était terminée. En clair, cela signifie : Foutez le camp, y'a plus rien à voir. La traduction est un peu cavalière, mais que voulez-vous, il faut bien adapter son langage si l'on veut être sûr d'être compris à l'heure où ceux qui se parfument d'entendre l'idiome de Cicéron passent pour de sympathiques zozos.
De nos jours, cette formule n'est plus employée que par les tondus impuissants refoulés, disciples de l'ayatollah d'Ecône, monseigneur Lefebvre, pour ne pas le nommer. C'était un homme assez vieux, victime de sénilité évangélique, avec un grand chapeau en forme de fusée et une canne très haute, recourbée à son extrémité supérieure pour attraper les brebis égarées. Quand on voit la gueule du berger et des bâtards ensoutanés qui se proposent de garder le troupeau, on comprend que certaines brebis se fassent la malle.
Depuis quelques années pourtant, les jeunes se pressent chez les disciples du gâteux d'Ecône pour entrer au séminaire traditionaliste. Ils en ressortent au bout de quelques années avec une belle robe noire et un petit col blanc, un missel à la main et le zizi en berne, ce qui n'a rien d'étonnant quand on sait que le sus-dit séminaire a élu domicile en Helvétie.
Le plus étonnant, c'est que les foules se pressent aux parvis pour ouïr benoîtement Credo, Confiteor et autres kyrielles de Kyrie eleison. Les grenouilles de bénitier coassent en fantasmant devant ces nouveaux soldats du Christ. Les nostalgiques d'une éducation virile, apanage des Frères des Ecoles Chrétiennes font d'eux les précepteurs de leurs bambins en culottes courtes. Mais il y mieux...
Auréolé de blancheur et de condescendance vaticane, le pape, au cours de son dernier voyage en Afrique, continent ravagé par le SIDA sous les yeux indifférents des pays qui ont, eux, les moyens de se soigner, est venu doctement donner son avis sur les moyens d'enrayer l'épidémie. Selon sa Sainteté Je Sais Tout, on ne peut « pas régler le problème du SIDA avec la distribution de préservatifs » et « au contraire (leur) utilisation aggrave le problème ». Ben voyons ! Non content d'avoir levé les excommunications des évêques ordonnés par le géronte sus-cité, d'avoir chassé les brebis galeuses qui avaient entouré et aidé une fillette brésilienne violée, Benoit XVI - infaillibilité oblige - se croit autorisé à dire des monstruosités... C'est vrai que côté épidémie de SIDA, lui, il peut se passer de préservatif, mais je croyais, naïf que je suis, que quelqu'un dont il se revendique avait dit : « Ce que vous aurez fait au plus petit d'entre les miens, c'est à moi que vous l'aurez fait. » En prenant des positions aussi aveugles, aussi déconnectées de la réalité, que fait-il sinon précipiter des milliers voire des millions de personnes dans les tentacules d'une épidémie qui est bien loin d'être éradiquée, surtout dans les pays dits en voie de développement ?
Les premiers chrétiens sont allés au casse-pipe au nom de leur foi alors que notre pape aseptisé dans sa boîte de conserve blindée évite de servir de cible à un nouveau fanatique du ball-trap. Il risque fort de ne pas laisser la même empreinte que ses lointains prédécesseurs.
En vérité je vous le dis, craignons que les tondus made in Helvétie et leurs collègues plus "catholiques" n'aient de plus en plus d'audience dans ce monde où les fanatismes se réveillent de la sécurisante torpeur où nous les croyions relégués. Entre un pape qui oublie que face à une épidémie mortelle mettant en péril la vie d'une partie de l'humanite, il convient d'avoir, avant tout, le souci de l'Homme et les disciples d'un vieux fou qui pactisent avec l'extrême droite, les chrétiens ont le cul entre deux chaises et c'est très inconfortable. Il y a des moments où il faut savoir choisir et avoir le courage de rester debout.