Il faut évaluer

Publié le par Antine@

         

          Cet après-midi le thème de la causerie à laquelle nous sommes conviés porte sur l'évaluation, vocable très à la mode dans les sphères pensantes de la science pédagogique. En effet, on se rend compte que beaucoup de formations dispensées aux enseignants sont onéreuses et inefficaces. Il est donc plus que temps d'évaluer tout ça de façon à établir une adéquation la plus étroite possible entre l'offre et la demande, ça c'est le motif officiel, de manière à voir où passent les sous, ça c'est la réalité bassement matérielle du marché.

          Il faut devenir des « praticiens réflexifs »... Voilà vingt minutes que le monsieur qui sait tout sur l'évaluation nous tartine avec ce qu'il sait - ou qu'il fait semblant de savoir - lui qui est nourri aux mamelles des dernières recherches universitaires en matière d'évaluation. Il ne manque d'ailleurs pas de nous évoquer les grands pontes auprès desquels il a été formé. Après quoi, il ajoute, péremptoire, que le formateur ne va pas « réguler les processus » mais qu'il va au contraire « réguler les conditions nécessaires à la mise en branle des processus ». Je rêve ou on touche le fond ! En attendant le monsieur, lui, il se branle le cortex et commence à nous les briser menu avec ses discours à la con.

          Une des participantes souligne que les savoir-être sont toujours difficilement évaluables. Le monsieur abonde dans son sens mais précise qu'on peut quand même les évaluer dans ce sens où « l'évaluation se définit comme des rapports aux valeurs ». La dame la opine du chef, ce qui après la mise en branle du processus est, convenez-en, la moindre des choses.

          La discussion s'enlise et on en arrive à dire que trop d'enseignants se débrouillent pour éviter les formations ce qui nuit au service des élèves. Certes, il est des enseignants qui ronronnent dans leur coin mais là, en entendant parler ces donneurs de leçons, ces Pic de La Mirandole des discours officiels, comment ne pas comprendre ceux qui refusent ce genre de formations. Alors, tels des chiens sur une charogne, certains autour de la table raillent ces collègues frileux « qui refusent de se mettre en danger pour ne pas évoluer », souvent par manque de volonté... Ces collègues dont la seule ambition est d'atteindre l'échelon ultime de la grille des salaires en restant peinards dans leur classe au fin fond de leur campagne. Quel manque de discernement ! Ce ne sont pas des collègues frileux qui fuient les offres de formation ! Ce sont des gens lucides, au discernement affûté qui ont très vite débusqué le néant sous les oripeaux de la science pédagogique, la vacuité du raisonnement sous le vernis trompe-l'œil du vocabulaire pseudo-spécialisé.

          Mais de qui se moque-t-on ? Comment peuvent-ils, sans avoir honte, proférer de telles inepties en ayant l'air de dévoiler quelques pans d'un savoir caché. « Au risque de paraître provocateur, ajoute l'homme de science, l'évaluation comporte une part de dévaluation. » Qu'il se rassure : il est loin de passer pour un provocateur mais simplement pour un con. Il manie avec une certaine aisance des concepts fumeux, un vocabulaire ésotérique mais commence à nous fatiguer avec son jargon insipide et pire, pédagogiquement inefficace.

          A un collègue qui s'inquiète de savoir ce que ça donne au niveau de l'élève, le monsieur je-sais-tout affirme sans sourciller : « Je vais être brutal mais à la limite en tant que formateur, on n'a pas à s'en soucier sinon on retourne dans le vieux schéma selon lequel la formation devrait avoir un effet mécanique linéaire. » Et bien voilà ! On y est ! On touche le fond ! On forme des enseignants mais on n'en a rien à foutre de ce que ça donne au niveau des élèves. L'aveu est cruel mais il est là. Est-il dès lors étonnant de chercher les causes de la chienlit actuelle ?

          En fait, plus la discussion se prolonge et plus je vois venir ce que je subodorais depuis le début : il faut absolument éviter les évaluations qui feraient apparaître un éventuel mécontentement des enseignants.

          Et, afin d'asseoir son propos, afin de nous convaincre au cas où nous aurions encore des doutes, l'encyclopédie évaluationnelle sur pattes qui nous gave de ses propos termine par cette phrase : « Pour cela, il faudrait que les chefs d'établissement partagent notre culture de l'évaluation. »

Finalement la pensée du monsieur est assez simple à résumer : ce qui ne va pas c'est que certains enseignants qui se soucient encore de leurs élèves et les chefs d'établissement qui le plus souvent les y encouragent font de la résistance et refusent d'adhérer à toutes ces conneries car ils ont, depuis longtemps, compris - mais sans doute leur évaluation est-elle erronée, si l'on en croit le spécialiste - que ce qu'il conviendrait d'évaluer c'est le pouvoir de nuisance et le degré d'inutilité de ce genre de gougnafier.

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C
Donc si j'ai bien compris, ce fut une formation très enrichissante au niveau des partages de points de vue et des ressentis.... hihihihiiii<br /> d'où l'intérêt à proscrire les évaluations, sait-on jamais si l'on s'avisait à faire part de quelque mécontentement... Ce formateur n'a certainement pas la même vision des choses sur l'enseignement, qui malgré tout reste un relais entre l'éducation familiale, <br /> sur une idée de pub "on n'a pas les mêmes valeurs"... et je ne suis pas enseignante<br /> bises et bonne journée
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A
<br /> Je vois que tu n'as pas été insensible au langage de cuistre de cette inutilité évaluationnelle sur pattes !!!<br /> J'apprécie l'humour de ton commentaire et je t'avoue que même si cette réunion fut longue, l'écriture de la chronique, en grande partie réalisée durant le discours du monsieur m'a permis de passer<br /> le temps...<br /> Bonne soirée à toi...<br /> Bisous<br /> <br /> <br />
J
Bien dit !<br /> A+ <br /> Jackie
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A
<br /> Merci de ta visite et de cette approbation qui me réconforte...<br /> Bisous<br /> <br /> <br />
S
Ha ha, j'adore le formateur qui justifie son existence par son existence. Je suis formateur parce que vous avez besoin des formateurs puisqu'ils existent. N'est-ce pas ?
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A
<br /> Oui c'est à peu près ça... Une inutilité publiqe qui essaie de faire croire qu'elle a une utilité... J'aurais pu conclure par une formule que j'ai déjà utilisée dans une autre chronique : 'Y a-t-il<br /> quelque chose de plus énervant qu'un con solennel qui se donne des allures de grand penseur ?"<br /> Je trouveque ça lui irait comme un gant à ce gougnafier...<br /> Amitiés<br /> <br /> <br />
D
Tant de sincérité et d'intelligence dans ton propos !!!<br /> <br /> Un régal à lire et un plaisir de voir un peu de lucidité au milieu du magma con mais pas sensuel du tout !!( lol !!)<br /> <br /> merci
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A
<br /> Merci pour ta visite et ta complicité...<br /> Le compliment me fait sincèrement plaisir mais il est vrai que parfois c'est dur de voir que c'est avec des élucubrations de ce style, qu'au bout du compte on désavantage les enfants...<br /> Amitiés..<br /> <br /> <br />
N
Une question banale en somme, mais le formateur " je sais tout ", par qui a-t-il été formé lui-même ? Est-on formateur de père en fils ? Et, mis à part la responsabilité attribuée à la société actuelle, pourquoi, donc les enfants n'ont-ils plus aucun respect pour leurs enseignants ? Je vois là un sujet auquel le " Je sais tout ", aurait pu se poser des questions ! j'ai cherché l'article sur le pape... Je reviendrai de toutes façons. J'ai du grain à moudre chez-toi et je ne m'en priverai pas !<br /> Amicalement<br /> Nettoue
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A
<br /> Merci de ton passage et de ce commentaire détaillé... Sois la bienvenue et viens moudre tout le grain que tu veux j'en sera ravi... Confidence pour confidence, je vais faire la même chose chez<br /> toi...<br /> Le fromateur a été (dé) formé ou formaté par des encore plus illuminés que lui, des gens qui ont perdu l'essentiel c'est-à-dire le contact avec la réalité du terrain...<br /> A bientôt donc...<br /> Amitiés<br /> <br /> <br />