Laisser la place...

Publié le par Antine@


    Le petit curseur clignotant attendait patiemment ses ordres électroniques pour se métamorphoser en un entrelacs compliqué de voyelles et de consonnes. Ce matin-là, les mots étaient rétifs ; ils se faisaient attendre et ne sortaient qu'en rechignant de leur caverne de silence. Ils se levaient péniblement des allées blanches où Larousse les avait couchés, indifférents à cette invitation. Il arpentait le filigrane ténu de ses pensées, cette allée buissonnière et familière où il se retrouvait aux heures silencieuses qui précèdent ou suivent les épousailles de la nuit et du jour.

         Où était-elle ? Il l'imaginait endormie entre les plis chauds d'un tissu coloré. D'un méandre des draps s'échappait une vague de cheveux et l'abandon de son bras posé semblait inviter le rayon de soleil qui pointait doucement entre les volets mi-clos. «Je vais revenir bientôt broder cette page blanche...» avait-elle dit l'autre jour. C'est avec les courbes souples de son corps qu'elle brodait à présent la prairie chaude des draps froissés. Imperceptiblement, ses doigts se refermèrent... A quoi rêvait-elle ?

         Il la devinait en partance... Elle avait dit : «Il faut laisser la place à l'imprévu... Ce qui est programmé m'ennuie...» Ce voyage qu'il faisait à présent sur les lignes imaginées de son sommeil n'était pas prévu. A une intonation de sa voix enrouée, à un rire échappé, à un mot posé entre des ponctuations palpitantes, il avait senti qu'elle attendait... qu'elle l'attendait peut-être.

         Il était là maintenant, fasciné par le silence chaud de son sommeil, ébloui par la clarté du jour qui dessinait sur le sable fin de ses épaules les contours flous d'une caresse inventée. La regarder... Ne pas la toucher... Lui parler du bout des yeux... Elle bougea légèrement et il crut percevoir un murmure entre ses lèvres fines qui souriaient. Il voulut faire un pas mais se retint. Le clair-obscur de la chambre s'harmonisait parfaitement avec cet instant rare... «Parfois il me plairait que le temps s'arrête...» avait-elle  écrit récemment. Il partageait cette sensation et son regard suivit lentement les lignes fluides de son dos qu'un mouvement venait de découvrir. Il lui semblait sentir le velours de sa peau et pour garder au fond de lui l'empreinte de cette douceur, il ferma les yeux un instant... Elle était toujours là, imprimée à l'envers de ses paupières fragiles. A nouveau son regard écarta le rideau fin des cils pour revenir se poser sur elle. Comme une vague venue de lointains rivages inconnus, elle se retourna, écarta les bras avant de les laisser se poser dans les plis colorés des draps. Plage de lumière, elle s'offrait à la caresse douce du rayon de soleil... Sentiments mêlés... Devait-il partir ou attendre encore ? Sa poitrine se soulevait lentement au rythme paisible de sa respiration reposée... Il se sentait à présent très proche d'elle et le silence velouté qui nimbait la chambre lui disait de rester encore un peu... D'un geste lent, elle repoussa le drap, comme une invitation au voyage... Ses yeux suivirent les lignes douces de son ventre, glissèrent sur la prairie ombrée de mousse, s'accrochèrent aux longs fuseaux de ses jambes qui se perdaient entre les draps... Il voulut détourner son regard... Rêvait-il ?

         Il sentit la rosée fine de son émoi perler au bout de ses doigts... Elle tourna son visage vers le rayon caressant du soleil et il crut apercevoir quelques perles de cette même rosée sur son front baigné de lumière. Emotion pure... Sensation douce qui court jusqu'au bas des reins... Il ne put empêcher son regard de se poser à nouveau sur elle... La caresser du bout des yeux, du bout des mots... Un frisson invisible de l'air vint se poser sur elle... Entre lumière et pénombre, elle se laissait deviner, ondula doucement comme pour mieux lui dire d'écrire encore... Ses mots comme une caresse...

         Dans un dernier mouvement, elle ouvrit lentement les yeux, s'étira et se retourna comme pour retrouver les confins rassurants du sommeil. Pourtant, elle ne se rendormit pas. Elle offrait son dos au rayon de lumière et crut percevoir  une présence. Inquiète elle se releva... Elle avait rêvé... Tout était calme, reposé... Elle posa ses pieds nus sur le petit tapis, se leva et l'ombre de son corps nu se posa quelques instants sur le mur de la chambre. Elle fit quelques pas, savourant les dernières effluves de la tiédeur nocturne, s'avança vers... Sur le sol, au pied de la fenêtre, une plage  de mots l'attendait... Elle prit la feuille entre ses doigts fiévreux... Un sourire se dessina sur ses lèvres en parcourant les premières lignes... Au frisson qui glissait entre ses épaules, elle comprit qu'il était venu...

 

Publié dans Et si c'était ça...

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M
Je n'arrive pas à partir, je lis la suite avec enthousiasme. C'est palpitant, qu'importe si c est un rêve c'est enivrant ; si c'est la réalité, c'est plaisant.<br /> Tu as une plume Anite@ vraiment fluide, et on se laisse vraiment aller et doucement le paysage prend forme...<br /> Je suis ravie que tu es ouvert ma porte et qu'à mon tour je vienne te visiter. Car passionnée de lecture ou poésie, j aime lire et imaginer les images qui se dessinent sur les mots.<br /> Bises amicales et douces soirées...<br /> Je reviendrais demain pour lire la suite...<br /> Amicalement Maïlyse
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A
<br /> Tes mots me touchent profondément... L'écriture des textes de cette série est une longue histoire que je te raconterai peut-être un jour si nécessaire ou si tu tiens à connaître la genèse de cette<br /> série de textes si particuliers...<br /> Je suis heureux que tu les apprécies et cela ne me surprend guère au vu de ce que je perçois de toi au fil de tes écrits...<br /> Je souhaite quetes prochaines lectures soient aussi douces que celle-ci...<br /> Belle soirée à toi... Que la nuit qui vient te soit douce...<br /> Je t'embrasse<br /> <br /> <br />
E
que dire,qu' en dire,rêve ou réalité,histoire d' amour,je préfère me retirer et fermer la porte doucement
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A
<br /> Non surtout ne te retire pas...<br /> Ce texte fait partie d'uen série qui n'est d'ailleurs pas terminée et si tu vas lire les autres, tu y trouveras des constantes qui peu à peu te dessineront le paysage d'ensemble...<br /> Je vais te faire une confidence, plutôt que de fermer la porte doucement, je t'invite à la rouvrir parce que tu auras, je crois, de belles plages de rêve... ou de réalité...<br /> Merci d'avoir aimé ce texte...<br /> Je t'embrasse<br /> <br /> <br />