Exoticomania

Publié le par Antine@

        Les premières chaleurs estivales pointant le bout de leur anticyclones sur les cartes animées du météorologue moyen, le même météorologue moyen annonçant à l'heure des nouilles vespérales une canicule au sud d'une ligne Bordeaux-Mulhouse au français moyen, endormi devant son téléviseur en attendant sa série américaine, ce même français moyen prend soudain conscience que ses petites ablutions matinales ne suffisent plus à sa bonne hygiène corporelle. Cette réflexion est d'autant plus pertinente que, toutes les enquêtes le prouvent, nous sommes une des nations les plus cradingues du continent, mis à part quelques serbes ou quelques croates qui ont, eux, l'excuse des canalisations éventrées par la mesquinerie démentielle des hommes. Il suffit de prendre le métro au petit matin, le bus au petit soir, pour se rendre compte qu'en matière de propreté, c'est du nettoyage à la petite semaine. En moyenne, trois savonnettes par an et par personne! Lessivant non? Pourtant les fabricants de déodorants font fortune. Vive le cache-misère!

        Alors, pour attirer les foules puantes vers les délices de la douche ou du bain, la publicité met les bouchées doubles. On nous sert de la minette bronzée fleurant bon le monoï et du jeune cadre dynamique laissant dans son sillage un parfum de vent chaud et de sable brûlant capable d'émouvoir la moindre chèvre en mal de légionnaire. L'Extrême-Orient étant toujours à la mode, voici le bain moussant à l'huile de bois d'inoki, histoire de réveiller vos vieux fantasmes de massages thaïlandais. Tout est bon pour vendre de la propreté, jusqu'à cette pauvre Cléopâtre qui trempe ses fesses dans une mousse qui pourrait bien changer la face du monde.

         Le filon est juteux et l'on assiste un peu partout à une véritable exoticomania effrénée. Le citron pressé est servi en bouteilles sur fond d'arrières-trains brésiliens se dandinant sous les palmiers; les automobiles qui vont au bout du monde ne le font que pour vérifier que les plus belles filles sont bien à Hawaï; la moindre boisson aux oranges nous est présentée par un Touareg pris de remords après avoir ligoté un aventurier colonialiste et le plus insignifiant des récurants à chiottes est une vague de pureté océane qui donne aussi sa force à une lotion capillaire tonifiante.

         Bien que cela soit inopérant, il peut être légitime d'utiliser l'exotisme pour vendre des produits qui en contiennent quelques pâles ersatz. Où la démarche devient franchement clownesque c'est lorsque les publicitaires et autres marchands du Temple essaient de nous refiler la première cochonnerie venue en la maquillant d'une goutte de tropique et d'un voile d'équateur. Ainsi, pour vanter le fromage à l'ail, dernier en date des contraceptifs biologiques, nous faut-il supporter une ahurie vautrée dans la flotte en ahanant:"Fais-moi frais!". J'ai vu un torturé du bulbe qui ne peut se raser qu'auprès d'un bac à eau le long d'une voie ferrée de Californie... Sans doute le copain de la givrée qui remplit son coffre de boîtes de collants avant d'entamer, en voiture, la traversée de ce même état. Pour être sûr d'avoir sous sa bagnole des pneus qui ne vous filent pas rendez-vous avec le premier platane venu un soir de pluie, il faut supporter quelques macaques idiots, aussi convaincus que ma voisine lorsqu'elle promet de se mettre à lire et qu'elle court acheter le dernier numéro de la collection Arlequin, le Dallas de la littérature, le Santa-Barbara de nombreux foyers en mal d'émotions. Tout y passe. Les serviettes périodiques sur fond de colonies au grand air marin; les céréales qui vous font oublier les trente mètres carrés de votre quotidien étriqué; le fromage qui, contre trois tonnes de preuves d'achats, vous offrira une semaine en Afrique, moustiques et tourista compris; les infusions du soir dont les premières gorgées vous transportent sur les jonques luxuriantes d'une Asie de pacotille; la boisson transparente et glacée qui vous donne des frissons et pour laquelle on a soigneusement omis de vous dire qu'elle faisait aussi péter. A croire qu'on ne pète pas sous les tropiques.

         Je pourrais aussi évoquer les agents de voyage qui, pour une somme coquette, vous envoient déguster un couscous au milieu des vents de sable alors que celui de Mohamed, en bas de ma rue est excellent et moins cher. Evidemment, chez Mohamed, il n'y a pas de vent de sable. Il n'y a même pas de vent du tout. D'ailleurs, il est inutile de vous en vendre du vent, depuis le temps que vous en achetez sans vous en rendre compte.


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S
Ha ha ! Excellente conclusion.<br /> La publicité a ça de bien qu'elle n'a plus jamais rien de crédible, et qu'il faut être particulièrement naïf ou dégénéré pour croire qu'une goutte de boisson énergisant vous fera battre le record du monde du 100m. Mais le fait est qu'elle imprime en nous des raccourcis qui se trouvent ravivés pendant les courses (du supermarché celles-là), et nous donnent contre toute attente, envie d'essayer, une fois, deux fois, alors que c'est franchement dégueulasse. Pire : même lorsqu'on sait déjà qu'on aime pas, parfois, on hésite malgré tout à acheter.<br /> La publicité devrait être interdite et remplacée par une information platonique sur tel nouveau produit, comme un flash d'information. Si on laissait l'UFC Que Choisir faire les pub pour toutes les marques (et en admettant qu'elle soit incorruptible), à mon avis on jetterait moins d'argent par les fenêtres (en PVC avec double aérateur à retenue d'énergie de marque Tryba).
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A
<br /> Cela fait plaisir de voir que d'autres partagent ce que je ressens... On se sent moins seul... Merci de ta visite et de tes mots... A bientôt<br /> <br /> <br />
L
Moi tout ça, je vais te dire : je m'en lave les mains !! (au monoi, ça sent meilleur !)
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