JE N'INVENTE RIEN

Publié le par Antine@


            Il était une fois un collège où les enseignants, pardon les membres de la communauté éducative, furent conviés à une réunion dont l'objectif était pour le moins abscons puisqu'il s'agissait de « définir des objectifs pour chaque axe pour que les actions qui seront ensuite mises en place puissent se glisser dans les objectifs ». Ils n'allaient pas être déçus. Après une heure environ d'intervention directoriale orale au cours de laquelle entendre une phrase claire, complète et syntaxiquement acceptable, relevait de la mission impossible, vint le moment de la répartition en commissions. Après enquête, il apparaît qu'à l'image des sphères politiques, dans l'Education Nationale, quand un problème se pose et qu'on ne sait pas quoi en foutre, on crée des commissions, entités évanescentes auxquelles on refile le boulot. Au sein des commissions, les membres se chamaillent un moment pour désigner un rapporteur qui, comme son nom l'indique est chargé de rapporter, en réunion plénière, le fruit des intenses cogitations du groupe.

            Une des sus-dites commissions reçut donc pour tâche de plancher sur un document, élaboré par la direction qui, précaution oratoire, prit soin de préciser qu'il convenait de l'amender. Pourquoi pas ? Ça  ou peigner la girafe ! Docile, la commission se pencha sur le document et, l'ayant lu, fut prise de vertige. Y étaient exposés sous forme de tableau les points forts et les points faibles de l'établissement. Un examen plus approfondi de la chose révéla que le mot « amender » relevait du doux euphémisme. De fait, parmi les points forts, quel ne fut pas l'étonnement des participants de lire ceci : « les résultats de l'évaluation montre un niveau global est en baisse ». Citation scrupuleusement exacte. Parmi les points faibles, sans doute par mauvais esprit, la commission releva que « les activités festives de fusion et d'identification à l'établissement sont insuffisantes ». En clair : les élèves étaient nuls mais c'est parce qu'on ne faisait pas assez la fête. Il convenait donc, et c'est d'une logique imparable, de mettre en place moult activités festives, étiquetées culturelles pour se donner bonne conscience. Même si certains enseignants qui possédaient encore un once de lucidité soulignaient que ce qui était important était de savoir lire, écrire et compter - oh ! les ringards - d'autres mirent en avant l'importance du pôle culturel. Il n'était pas dans leur propos de nier l'impérieuse nécessité d'un éveil et d'une ouverture culturelle des enfants. Cependant, avait-on déjà vu une culture prospérer, s'épanouir et fructifier sur une jachère envahie d'une végétation parasite et étouffante ? Ils n'étaient pas au bout de leurs peines.

            En effet, parmi les points forts de l'établissement, ils notèrent « une politique pour associer les parents aux incidents ». Voilà une chose efficace et pédagogiquement fructueuse ! Mais de quoi s'agissait-il ? De demander la participation des parents aux différents actes de vandalisme qui émaillent le quotidien ? D'obtenir leur caution morale aux incivilités chaque jour plus nombreuses de leurs chérubins ? Nul ne le sut et la commission eut bien du mal à amender ce point.

            Cependant, les membres dociles et imprégnés des discours officiels se remirent en cause, entrèrent en phase d'autocritique et cherchèrent pourquoi ils étaient en difficulté. Cerise sur le gâteau, la réponse leur fut fournie par le directorial document où, dans les points faibles, ils découvrirent qu'il n'y avait « pas assez de pénétration des projets citoyens dans la communauté ». Certains des participants commencèrent, en revanche, à avoir une idée très précise de l'endroit où ils envisageaient de faire pénétrer les projets citoyens, mais se turent pour ne pas être taxés, une nouvelle fois de vulgarité.

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D
bon, a la lecture de celui la j'en suis cetain, il faut que je fasse voir ton blog à mon instit de moitié !!!!<br /> <br /> lol<br /> <br /> très bon !! vraiment
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A
<br /> Ben je crois que tu as tout compris... Nous sommes de la même "famille"... Et pour ne rien te cacher, sur le même thème, je pense que tu auras aussi du grain à moudre demain...<br /> Amitiés<br /> <br /> <br />
C
Je pourrai vous en citer beaucoup ayant fait partie de ladite communauté et ayant pataugé dans les spères de commissions. par exemplle ceci<br /> Utilisation d'un paramètre bondissant dans un espace pédagogique restreint.<br /> Traduction : comment jouer au ballon dans une cour de récréation.<br /> Je n'ai pas trouvé Ite missa est mais j'ai vu des choses fort intéressantes.
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A
<br /> Oui bien vu ! Les mêmes chérubins sont ensuite évalués sur leur "maîtrise dans la préhension et le maniement de l'outil scripteur"... En clair on cherche à vérifier s'ils tiennent leur stylo comme<br /> un javelot ou comme un instrument destiné à écrire...<br /> Pour répondre à ta question ITE MISSA EST est dans la rubrique Indignations ordinaires mais au cas où tu ne trouverais pas, je te mets le lien direct ICI.<br /> Amitiés<br /> <br /> <br />
S
En même temps, pour ce que je pense de l'école... http://laphiloduclos.over-blog.com/article-19330018-6.html#anchorComment<br /> <br /> Maintenant je reconnais volontiers que ça avance pas franchement dans le bon sens pour les enseignants... mais peut-on vraiment faire pire du point de vue de l'élève ?
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A
<br /> J'ai lu avec intérêt le texte dont tu m'as aimablement fourni la référence et je t'en remercie. Je ne partage pas toutes tes analyses mais je comprends parfaitement le cheminement qui t'a conduit à<br /> ce point de vue... Il serait intéressant d'en reparler, d'en débattre... Vraiment...<br /> <br /> Dans la deuxième partie de ton com tu te demandes si on peut faire pire du point de vue des élèves... J'ai hélas envie de répondre OUI et certaines directives actuelles si elles deviennent<br /> effectives, confirmeront je le crains, cette impression...<br /> Merci de ta visite et à bientôt...<br /> Amitiés<br /> <br /> <br />
J
Voilà un texte qui ne fait qu'ajouter de l'eau à mon moulin ( je fus enseignante )<br /> Je crois que le problème de l'E . Nationale , c'est que jamais les enfants ne sont premiers dans leurs préoccupations... Paroles,paroles....<br /> Je m'arrête car sur ce sujet je serais intarissable....<br /> Bonne journée<br /> Jackie<br /> Jackie
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A
<br /> Je savais en publiant ce texte qu'il apporterait de l'eau aux moulins de tous ceux qui, comme toi, se rendent compte des nuisances engendrées par certaines innovations... Attention, loin de moi<br /> l'idée de refuser l'innovation, mais l'essentiel me semble une fois de plus être de permettre à des enfants de s'épanouir, de s'instruire, de devenir eux-mêmes afin de trouver dans ce monde de plus<br /> en plus hostile, une place convenable. Et pour y parvenir, il leur faut, au minimum une maîtrise du langage sans laquelle ils deviendront, comme le dit Alain Bentolila, les prochains "exclus" de la<br /> société...<br /> Merci de ta visite et de tes mots...<br /> Bon dimanche à toi...<br /> Bisous<br /> <br /> <br />