Deux ou trois choses

Publié le par Antine@

        Ne vous est-il point arrivé de prononcer les mots qui servent de titre à cette chronique lorsque, accompagné de votre moitié et de vos lardons braillards, vous vous rendiez à votre hebdomadaire expédition au supermarché voisin ? Les deux mains rivées à la poignée crasseuse du caddie populacier, vous espériez, naïfs que vous êtes, vous en tirer à bon compte. Que nenni ! Nous l'allons montrer tout à l'heure.

         Sitôt franchi le tourniquet chromé destiné à contrer vos éventuelles envies de faire demi-tour, vous êtes cuits, coincés, refaits, couillonnés pour employer un vocable connu des lecteurs de Rustica et du Chasseur Français pour ne citer que ces deux titres parmi la foule de ceux qui s'avachissent entre les œuvres complètes de Michel Drucker et les mémoires de Bernatd Laporte. Dès vos premiers pas entre les tentaculaires rayons où l'hydre polymorphe de la société de consommation étale ses ventouses multicolores, vous êtes happés par les promotions exceptionnelles, les affaires à saisir, les déstockages massifs (admirez le néologisme !), les liquidations fantastiques, les braderies à vous couper le souffle et, mais souvent trop tard, un ticket de caisse à vous couper l'envie de remettre les pieds dans cette embuscade. Mais, n'anticipons pas.

         En effet, ce n'est pas un sujet d'anticipation, une anecdote de science-fiction où, mutants d'un autre âge, vous iriez déambulant, hagard, entre les allées factices d'un paradis perdu. Non, il s'agit bien de la triste réalité quotidienne qui, de l'aube crasseuse des banlieues concentrationnaires au crépuscule incertain des retours grégaires, transporte son flot de clients vers la soupe en sachets, les polyphosphates aromatisés au pâté de campagne et le pinard à la tireuse. Vous faites le plein de cirrhose comme vous faites le plein de gas-oil parce que là, au moins, c'est pas cher. Crever d'accord, mais pour pas cher, voilà où vous en êtes réduits. Permettez-moi de vous le dire, sauf le respect que je vous dois, c'est petit.

         Coincés entre le désir de ne pas contrarier votre épouse et celui de faire cesser les hurlements stridents de votre progéniture, vous emplissez votre chariot de mille et une cochonneries inutiles, de tous ces petits trucs pas chers qui, par leur nombre, finissent par vous coûter l'épiderme de l'arrière-train. Franchement, vous aviez besoin de cette fourchette électrique rotative pour bouffer vos spaghetti bolognaise? Etait-il indispensable à votre confort domestique ce papier-cul parfumé aux senteurs de garrigue qui finira dans la fange nauséabonde de vos débordements intestinaux quotidiens ? En l'achetant, avez-vous pensé à ce que cela allait vous coûter en médicaments pour soigner vos hémorroïdes aux senteurs de garrigue ? Avez-vous imaginé les conséquences supplémentaires à l'affection précédente inhérentes à la macération prolongée de votre corps dans les bains moussants qui, vous l'avez sans doute noté, nettoient parfaitement l'émail de votre auge Jacob Delafon ?

         Peut-être pensez-vous que j'exagère ? Il n'en est rien ! Il suffit de se rendre périodiquement dans l'hypermarché le plus proche pour s'apercevoir que je ne fabule point. Il faut cependant reconnaître que tout y est organisé, prévu, pensé, agencé pour que vous achetiez les trombones à entourage plastique fluo alors que le bon vieux trombone alu assure tout aussi efficacement son rôle de reliure provisoire. Tout est mis en œuvre pour que vos bambins réclament le cahier à l'effigie de n'importe quel égosillé de la Star Ac', plutôt que celui tout simple mais nettement moins branché. Il en est de même avec tous les produits dont le petit plus se résume trop souvent à une histoire de look. Vos déplacements ont été prévus pour qu'après avoir acheté les indispensables couches destinées à rendre transportable le petit dernier qui fuit, vous vous retrouviez au rayon layette où votre moitié craquera sur ce petit pyjama ... pas cher.

         Je vous ai déjà demandé de fuir les marchands de vent et ceux du Temple ; je vous en supplie à présent, fuyez aussi les bassesses mercantiles des Leclerc, Auchan, Casino et autres Carrefour. Ils n'en veulent qu'à une chose : votre fric. Ils vous bernent à coup de cartes Boum-Boum, Client Fidèle et autres niaiseries. Saviez-vous que le taux de ces cartes de crédit est à peine inférieur de 0,5% au taux de l'usure ? Il y a quelques décennies, les usuriers sévissaient. Ils sont revenus en douce. Autrefois, disait-on, ils avaient de petites lunettes, un long nez, des doigts crochus... Il en est de plus dangereux, en costumes trois-pièces, au look branché de jeune cadre dynamique qui, par le canal sournois de la perfusion télévisuelle quotidienne vous poussent dans les filets camouflés des requins anthropophages.

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A
Excellent ! L'esprit poétique authentique est ouverture de la conscience, chemin qui mène à davantage de lucidité. Tu le prouves par une écriture qui tranche dans le vif, et que tu mets par ailleurs au service de la beauté, que celle-ci émerge de douleurs ou de fleurs. J'apprécie beaucoup...
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A
<br /> Merci de ta visite...<br /> Ces chroniques sont très différentes des textes poétiques mais j'ai beaucoup de plaisir à les écrire et, pour être tout à fait franc, je m'amuse bien en les faisant...<br /> J'en ai quelques unes en préparation ui sont de la même veine...<br /> Je t'embrasse...<br /> <br /> <br />
L
Je regarderais dorénavant à deux fois quand je parcourerais les rayons de mon supermarché adoré... Et si mon caddie contient plus de choses que ma liste, je penserai fort à toi !!<br /> Excellent, ça aussi ! J'adore !
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M
Je lis tout juste avant de justement partir a l'épicerie faire des courese ce matin...<br /> <br /> Merci pour ces sourires du matin<br /> Bisous x0x
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