C'est Noël, la vie est belle !
La ville scintille de mille feux, les devantures de magasins transformées en putes de luxe racolent le client et le bon peuple se ruine en ramonages pour que le Père Noël, vieillard rougeaud et sénile, vienne déhoter ses paquets dans les pompes des mouflets. C'est Noël, la vie est belle. Si on veut.
D'abord Noël c'est la Saint Barthélémy des sapins. Des petits sapins, ce qui est pire. Que faire en effet d'un petit sapin qui n'a pas encore grandi ? Alors qu'avec un gros sapin dans la force de l'âge, on peut faire plein de planches pour fabriquer plein de jolis cercueils pour enterrer plein de gros cons. Vous savez, les gros cons qui ont la sale manie de couper les petits sapins pour les transformer en punks d'appartement à usage ludique. Il faut laisser grandir les sapins, sinon dans quoi ira-t-on enterrer les gros cons ? Si l'on compte approximativement un sapin par foyer, ça nous fait quand même quelques milliers d'hectares de forêt dévastés pour le seul et unique plaisir de voir pendouiller des guirlandes et des boules à des branches qui, heureusement avant de mourir, vont laisser quelques unes de leurs aiguilles dans la chair rose et tendre des bambins. Bien fait pour eux! D'ailleurs, tout le monde est puni : le gamin parce qu'il a la sale manie de fourrer ses sales pattes partout et les parents parce qu'ils doivent passer l'aspirateur, surveiller dès le matin le matou mutin qui trouve à portée de patte de quoi s'amuser, et éviter que le dernier-né ne bouffe les guirlandes en attendant son petit pot. Et encore... Parfois c'est pire! Bien pire! La guirlande électrique peut se révéler diabolique : le moindre faux contact peut engendrer un court-circuit qui mettra le feu aux guirlandes synthétiques qui, à leur tour, enflammeront le sapin, ce qui, inévitablement, déclenchera l'enthousiasme du petit dernier qui, en battant des mains, arrivera dans la cuisine en disant : «Maman! Viens voir! Le sapin, il flambe!» C'est Noël, la vie est belle.
Noël c'est la Bérésina des bourses. Au nom de je ne sais quelle tradition, c'est le moment des cadeaux. Sans doute pour se rappeler que la venue du Christ sur la Terre en était un. Bonjour le cadeau! Noël c'est le moment des poupées qui pissent et qui chialent - comme si les mioches n'assuraient pas assez en ce domaine - pour éveiller l'instinct maternel des petites filles. C'est le moment des robots destructeurs pour assurer les bases d'une éducation virile aux petits garçons. C'est aussi l'heure de gloire des mannequins à l'air con qui scintillent de partout pour ouvrir les fillettes à la notion de l'esthétique et qui, généralement, finissent leur existence minable désarticulés au fond d'une caisse à jouets. La liste pourrait être aussi longue qu'un catalogue et aussi fastidieuse. Noël c'est le jour où l'on se refile des cochonneries, où l'on s'invite à bouffer parce qu'on croit que c'est une façon de dire : je t'aime. Je t'offre un fusil parce que je t'aime et pour que tu apprennes à dire je t'aime à tes voisins. Touchant non ?
Noël, c'est aussi le moment où les cons se goinfrent de choses grasses et sucrées qui augmentent les diabètes, les cholestérols et assurent ainsi la fortune des médecins spécialisés en la matière. Vous voyez bien que la vie est belle! C'est aussi, à la fin du repas, le moment où les gros cons frimeurs vont prendre le volant pour aller s'écraser contre les magnifiques sapins qui bordent les routes. Le sapin étant, par nature, plus résistant que la tôle, celle-ci se plie, se tord et, contrairement au roseau, se rompt, transformant ainsi le gros con alcoolique en un amas de chairs sanguinolentes. Les pompiers en profiteront pour jouer au puzzle, les ambulanciers iront faire coucou à leurs copains de la morgue en leur portant le fardeau, les pompes funèbres termineront le paquet cadeau tandis que d'autres creuseront son dernier logis que le marbrier recouvrira d'une belle dalle chère pour le cher défunt. Tout le monde aura ainsi eu du travail. C'est Noël, la vie est belle !